Quatre-vingtième lettre pour toi

Rouen le 19 janvier 2023

sous un ciel d’hiver lui-même surpris de son absence de limites

je t’écris

seul le froid est une frontière où s’invite

un danseur raide qui doit tout réapprendre des gestes de l’enfance dont la lumière lui revient parfois de très loin

grossie de neiges et de cris

ce jeudi aura été marqué par une pierre de rue

par une tentative émue de traverser avec élégance ce peu de vie vivante

de chercher dans la fente du pavé comme des blessés sans mains

comme mille pieds battant un pays clandestin

la dernière étoile qui s’accroche encore et qui aimerait poser un regard d’espoir sur le monde

et c’est un joyeux cortège un peu gauche dans un matin consigné à l’ardoise

ensemble on refait le chemin revêtant de multiples visages

celle de l’histoire d’un monde qui se croyait fort et paisible et qui réapprend la haine

c’est l’histoire qui nous arrive quand on a l’impression de ne plus y arriver

c’est l’histoire de valeurs qui se laissent bâillonner

l’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant disait le poète

c’est là que peut-être se loge notre infortune

seul le corps suit son chemin

seul le corps évolue dans un schéma prévu

l’âme elle veut rêver avant la fosse commune

j’ai posé un instant mes outils rouges et sans autre devise qu’une vie sans attendre

pour te surprendre la bouche encore au bol de ton matin et le temps soudain m’a paru moins chagrin

de nos rires qui sont langages plus jeunes que la parole

de nos pouls liés nous feront mon âme un grand bouquet qui tremble

B

26 réflexions sur “Quatre-vingtième lettre pour toi

  1. Pour être surpris la bouche au bol du matin, c’est une belle surprise poignante et sans excès. J’ai encore ancrées en moi mes pauvres cartouches usées à l’excès en 95, menant cette fronde que je croyais ultime après tant d’autres menées.
    J’irai le 31, j’ai fui celle ci dans les cimes du Queyras, mais ce combat, cette lutte des classes nous concerne tous depuis des lustres. Merci Barbara.

    Aimé par 2 personnes

    • Oui. Se laisser faire c’est renier qui nous sommes…J’ai épuisé pas mal de cartouches aussi en 95 mais je me reconstitue…Et veux continuer à être surprise la bouche au bol du matin…En faction silencieuse dans les cimes du Queyras est une autre forme de résistance et pas des moindres…
      C’est moi qui te remercie Jean- Marc.
      Je t’embrasse.
      Belle journée.

      Aimé par 2 personnes

  2. Pingback: Quatre-vingtième lettre pour toi — Lire dit-elle – gildaslayec.art

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