Quatre-vingt-unième lettre pour toi

à l’angle de la rue l’arbre où s’attarde la brume comme une pensée nue soulève doucement ses paupières et semble dire

je suis ici

je t’écris

j’écoute moi aussi la marche intime du monde dans un coin de ciel gris

dans la haie un oiseau à la face ronde jongle doucement avec son œuf en sursis

tandis que je prends la mesure des mousses sévères et celle des blancs battus en lumière

je continue à veiller sur l’impensable mille-feuilles qu’est la vie tu vois et je tends loin des mains travailleuses

pour démêler le beau douloureux que l’on tue du sombre illusoire que l’on tisse

je retourne ce mardi battre le pavé plus loin que le chagrin

avec la même entièreté que je mets dans ma poésie

parce que je sais que se priver de la saisie particulière de la réalité que la poésie glisse dans le poème c’est amoindrir volontairement la compréhension collective du monde

Bobin affirmait qu’il existait un communisme réel de l’écriture

que c’était le même communisme que mettaient en œuvre les amants quand ils s’aiment

et les enfants quand ils jouent

plus qu’une pensée à laquelle je souscris c’est un soleil que j’éprouve dans mon corps

puisse-t-on ne pas succomber encore au piège du pas tracé dans la trop lâche ligne de fuite

En attendant de voler la clé de la porte interdite je pose sur l’instant de ton matin clair ma seule abeille rassurante

et te demande dans un sourire de me faire bleue pareille

 

B

13 réflexions sur “Quatre-vingt-unième lettre pour toi

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