Quatre-vingt-septième lettre pour toi

passé le décor de la chambre tiède j’arrange un bouquet d’oiseaux au seuil de ton regard

je voue ta main aux aurores

tandis que tu dors encore je t’écris

dehors tout est vivant tourbillon et reprend des forces

il y a des torsions de jour qui se glissent entre les écorces et le vent s’est fait joueur aux jeunes pétales abusés

j’envie des arbres la musicale révolution là où il nous faut creuser encore d’une main matérielle et notre chant et l’ourlet de nos propres limites

nous sommes pris dans des lianes d’indifférence dont la poésie est la première victime

Alors avant l’abolition programmée du rêve viens

j’ai un jardin sans trêve au sabot de mes saisons

aucun sol à blesser sur ma course à rebours du chaos

et ma façon d’être grave c’est ce rien de liberté farouche dans une voix de terre posée sur un soleil qui monte haut

on boira le premier lait des primevères

je te choisirai des paysages de grandes solitudes où de joyeux arrosoirs vous font des bouquets plus gros au cœur

tu auras des ruches ouvrières riches de fureur douce

et des rondes de froment à la rousseur élective

pour que tournent sur nos hanches les grandes eaux furtives des dernières douleurs

et nous aurons des printemps de tous côtés

 

joie. joie. Peu nous importe ce que laissera notre baiser à l’intérieur du temps.

Nous aurons touché la belle inutilité qui ne cherche pas son utilité. (Yannis Ritsos)

 

B