L'oreille du taureau à la fenêtre De la maison sauvage où le soleil blessé Un soleil intérieur de terre Tentures du réveil les parois de la chambre Ont vaincu le sommeil Paul Eluard
KIKI-LA-DOUCETTE : Elle n’aime point l’inconnu, et ne chérit sans trouble que ce lieu ancien, retiré, ce seuil usé par ses pas enfantins, ce parc triste dont son coeur connaît tous les aspects. Tu la crois assise là, près de nous ? Elle est assise en même temps sur la roche tiède, au revers de la combe et aussi sur la branche odorante et basse du pin argenté… Tu crois qu’elle dort ? Elle cueille en ce moment, au potager, la fraise blanche qui sent la fourmi écrasée. Elle respire sous la tonnelle de roses l’odeur orientale et comestible de mille roses vineuses, mûres en un seul jour de soleil. Ainsi immobile et les yeux clos, elle habite chaque pelouse, chaque arbre, chaque fleur, elle se penche à la fois, fantôme bleu comme l’air, à toutes les fenêtres de sa maison chevelue de vigne… Son esprit court comme un sang subtil le long des veines de toutes les feuilles, se caresse au velours des géraniums, à la cerise vernie, et s’enroule à la couleuvre poudrée de poussière, au creux du sentier jaune… C’est pourquoi tu la vois si sage et les yeux clos, car ses mains pendantes, qui semblent vides, possèdent et égrènent tout les instants d’or de ce beau jour lent et pur.
Quant à la poésie, elle est la parole de la parole. Elle est à la pointe du langage, cette énergie qui refait notre vocabulaire et le place en situation de récréation vitale. C’est un outre-dit, une expérience qui poursuit un objectif. La poésie est réponse à une question qui ne fut pas posée. Il faut inventer, réinventer la transparence comme une fenêtre ouverte pour respirer.
La poésie est ainsi délaissée. Mais je pense qu’elle resurgira de sa retraite le moment venu parce que les êtres humains ont besoin d’elle pour voir à nouveau le monde, vivre vraiment leur vie, et enfin respirer. Il y aura une aube nouvelle pour la parole de poésie, ce cante jondo, ce chant profond.
Salah Stétié (1929-20/05/2020)
Textes cités par Jinane Chaker Sultani Milelli, dans un article du journal libanais Libnanews en date du 21/05/2020, intitulé : ‘Lettre d’adieu post-mortem de Salah…
tout en haut d’une branche / haute sur la branche / brille une fleur / abandonnée ? Jamais atteinte ? / seule / triste ? / une fleur haute sur la branche brille
comme appel ou gloire / souvenir / de toi / tendresse flamme où crépitent les exils / feu qui illumine tes visages /
petits jours où tu voles comme noms de toi / haute sur la branche abandonnée ? / jamais atteinte ? / brilles-tu ? / brûles-tu ? / dis-tu mon nom ?