Dans l’Atelier.

Dans l’Atelier (I)

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En avant de toi une main lisible et tendue dans le vent qui s’accroît

musical

précède d’une bonne envolée le propos et l’encrier

et puis s’installe

blanche et convaincue comme une mouette apaisée

sur mon genou de silence encore ouvert sur sa tranche

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (II)

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Je te frôle

Je te parle de voir plus loin que la saison hostile

et que le vol tranchant du jour qui ennuage le ciel pâle de ta nuque docile

pour changer à la gorge du mot le râle en un rire de cascades aux pieds nus

Considère

que la seule saison claire attardée au pli de ton bras définitif n’est plus l’asile ordinaire de tes espoirs déçus

désormais chassés de la maison et de la bretelle de ton épaule

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’atelier( III)

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Un lieu disais-tu

Il te faudra un lieu arraché au cadastre morcelé des années pour secourir l’enfant aux veines bleues emmuré et privé de filons d’or

Demeure disais-tu encore

comme on dort au seuil d’une litière et à la paille de l’eau   Pierre trempée dans l’été blond que le feu redresse et allume

Pivote encore un peu

à la proue de mon œil et sur le sel de l’écume d’où s’échappent d’enfantines hirondelles

qui meurent au premier envol pour renaître rondes en grappes de fleurs

Et pour innocenter le monde donne à l’enfant pour écritoire une table de bois flotté

Ferme ses yeux de mer qui voient trop loin et baigne doucement son ventre de mémoire

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (IV)

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Toutefois se trouvant

nos bouches avec leurs cris savent que les mots hâtivement lancés ne pousseront pas la porte des jardins insensés

Et que le murmure perpétuel de la lumière cachée se fend sur la course et à l’excès

Regarde cependant

dans mon œil dort le passage du vent et son manteau sur le cœur endurant

sans cesse guette le signe suivant dans le tumulte de ton sang muet

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (VI)

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Qui sommes-nous

battant gravement des ailes dans des baraquements arrangés à ne pas nous reconnaître au leurre de l’image poussée

au hasard des modes et des routes restées au bord du vivre?

Un peu plus nus dans l’air peut-être

Des mains désireuses de moins de nuit* sans doute

et qui vaquent à leur extraordinaire comme sur les landes errent les bergers tendres cherchant la beauté dans les branches basses

tout entiers à la grâce d’un silence devenu art d’entendre

Nos mains noueuses reprisent un ciel qui d’aube en aube et à la laine des déroutes se laisse surprendre

par une pression qui délivre

 

 

Barbara Auzou.

 

* (Yves Bonnefoy)

 

Dans l’Atelier (VII)

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Au terme d’une nuit double

Entends

l’aube passer le seuil et te désigner le lieu habitable où niche l’or des fous.

L’oiseau de leur regard est resté debout à nous écouter dans les nuages qui s’égarent

et déjà leurs joues de statue tremblent à l’idée d’une soif à étancher au-dessus des fontaines respectables

Prends

à ma paume

ce que je vais te confier du secret des gisants.

ils avaient un regard trop grand et trop sage posé sur un monde très en retard

Prends

Cela te suffira à faire le lit de l’errante image  Prends  Ne t’éloigne pas de la proue de ma voix et puis

Partage

 

Barbara Auzou

 

 

Dans l’Atelier (VIII)

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Annulant la parole ancienne accrochée à des arbres qui ploient

le soleil en contrebas a lâché un oiseau qui crie dans ma voix et redonne au visage l’innocence de son vol entravé

J’entends bientôt ta respiration d’ardoise sur le toit de mon rire qui attend la prochaine lunaison

de tréteaux en tréteaux dressés aux pieds de l’enfance

 

Barbara Auzou.

 

 

Dans l’Atelier (IX)

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Longtemps

j’ai douté

La parole les gens la parole et puis les gens

traversés de part en part au vent       des chemins de hasards multiples

qui arrachaient des sons en désespoir de cause et

J’ose

préférer l’eau et son périple

minéral

qui fait son nid à la conque de mon oreille toute neuve

réconciliée de ses deux têtes

rivales

Les mots ne meurent plus de soif à ta gorge de santé

et mes mains au regard d’opale affûtée

lampée par lampée s’y abreuvent

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (X)

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Tombés d’un ciel bien lessivé au terme d’un orage farouche

les mots délivrés font moins de bruit aujourd’hui et n’écoutent plus derrière les cloisons minces du bavardage qui attend la relève

Dépliant nos grandes jambes de vent nous marchons pieds nus dans nos bouches

une étoile bien propre à portée de main et les passants que l’on croise font semblant de croire que l’on rêve

 

Barbara Auzou

 

Dans l’Atelier (XI)

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Doucement clairvoyants

au terme d’une traversée à la ramure des saisons      et intimement

sujets au retrait                 nous nous tenons loin de la voracité d’un réel indigeste     qui nous affole

Et si vous nous voyez mâcher des violettes dans le grand champ désarmé du vivre

c’est que nous avons pris modèle sur la pluie

Tout nous prédisposait au retour du féminin dans la parole

et à la fleur le beau geste cueilli

sur sa tremblante nudité    nous enjoint à le suivre

 

Barbara Auzou

Dans l’Atelier (XII)

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Tôt

Sur le gant défait de la nuit nous avons veillé au grain

Et déjà le jour ouvre sa main

Tout se prépare à être

Le présent pour l’œil tout neuf et pour le vertige la roue

L’intimité de vivre couve la lumière et ses parfums

Et chausse    le temps d’un œuf    la ronde certitude d’être debout

À se façonner des ailes dans la matière endormie de la brume

Ô limpidité admirable des heures sur le souffle et sur la plume

Sphère totale de l’envie

 

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XIII)

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Tu as statué sur la condition du nuage de ton doigt définitif ouvrant le passage à une lumière plus droite

pour surseoir au canif de mon regard d’enfant

laissé sanglant dans une forêt de signes insensés

Les choses vertes ont rejoint le perchoir de leurs prairies en silence      Tu as accroché ma balançoire d’impatience

aux branches fragiles et exigeantes de l’informulé

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (XIV)

Robin and snow

De ce presque rien dans la balance de l’instant je te laisse ma robe du jour dorée de paresse

mes pensées informulées et l’animale douceur caressée par le vent des hasards aériens

Que mon nid soit ton tympan  Que mon chant d’eaux captives alerte tes puits

Vois comme j’ai rendu à la nuit

son inquiétude violette

Dans ton œil tatoué de feu qui me guette

pousse désormais la sauge de tous nos jardins

 

Barbara Auzou.

 

Dans l’Atelier (XV)

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La vie glissait jaune et d’extrême justesse sur le parapet de l’aube      volant çà et là quelques heures au temps

À quoi bon encore le chant  À quoi bon encore les couleurs    la note brève    et puis l’écho

Il aura fallu le lent éclairage sur la route chaude d’un matin pour que s’ouvrent enfin les yeux

Comme on arrache de sa tempe enfiévrée l’insecte occultant

Comme à l’alme caresse on tend le dos

 

Je me suis posé sur le canotier d’un homme heureux

 

Barbara Auzou

Dans l’Atelier (XVI)

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Je t’ai posé des mers toutes droites

sorties de mes poches avec toutes leurs mouettes rieuses

faisant leurs gammes à la gorge adroite

du ciel. J’ai arrondi tes flancs pour les contenir

à ta dentelle et boire à mon tour à plat ventre

sur les roches résolument joueuses

qui soutiraient mes palmes, ma pelle à déterrer l’alluvion

et puis mes billes de verre

qu’invariablement tu me ramenais,

polie, au fond.

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XVII)

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Ta voix tutélaire tourne sur le centre de mon esprit réveillé  et patiemment le nourrit

Regarde

L’abîme s’est blottie sur les heures calmes et profitables et les étoiles sont restées meurtries

au chevet de notre étable sans toit à cause de nos yeux un instant détournés vers des jours indifférents

Mon enfant

Rien en nous ne s’est trompé et je t’emmène en secret loin des aubes périssables où les arbres se couvrent de sang

Nos printemps sont à réinventer sur le grand champ où je te prépare à me survivre

ailleurs qu’au bord tremblant et insatisfait du vivre

Que ton vol épouse les contrées rares où nous fumes les gardiens des fleurs

les frères et sœurs turbulents

tremblants et sincères de la pierre

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XVIII)

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Nous avions la conscience d’un tout à qui l’envol manquait

et des paupières collées

d’infini

Et nous lancions nos poings loin devant vers un horizon décevant de mots rapides à humeurs variables

tournant sur la grande machine instable à broyer les rêves d’enfants

Surpris

jusqu’aux larmes nous avons pourtant gagné l’espace bleu où nous marchons désormais en tremblant

déversant nos pensées long-courrier dans nos blancs silences à faire taire les grands chiens du lieu commun

Vois comme on a pris goût aux confins de l’éternel et comme le cuivre de nos chansons bat des mains

ajoutant un peu plus de ciel au ciel

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XIX)

la balancoire

Donne -moi la main

On ne bougera pas plus avant

L’oiseau patient a reversé le silence sur les paupières du jour

Creusons l’air autour   Restons lointains et sages

La pensée retenue de la mésange sur nos genoux a déroulé l’intimité rose

qui refait à neuf la ponctuation de nos visages

et le bois chaud de nos lendemains

On a rassemblé nos eaux     On a ordonné les plumes du chagrin

sur le sel de la chose

Il est temps de s’amuser enfin

sur l’aile détournée des nuages

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XX)

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Et je me suis installée ici

J’ai cueilli ma propre fable un matin sur le sourire d’un torrent qui jouait aux dés avec une lumière instable aux joues rebondies

j’en ai fait un nid de sable          un tapis désirable convoité par la mer et par les fruits

qui pendent aux branches misérables du temps

Je me suis installée ici

et le chant vibrant de glaïeuls que je lance en plein midi

est destiné à ton seul tympan

 

Barbara Auzou.

Dans l’Atelier (XXI)

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Surseoir disais-tu

Tu peux rire

Je te délivre

la main droite levée sur l’arbre magnanime

C’est un don incompris   La dernière énigme     à peine tue

sonnant douce et adroite sur l’herbier intime

des papillons apprivoisés et rouges de nos envies

La forge de nos mains est accordée

et ta tête fleurie sur le chant est promue

gardienne du printemps

et de la pierre du vivre

 

Barbara Auzou.