Haïku CCCXL

je t’aime ton coeur
est percé d’une hirondelle
venue de l’enfance
Barbara Auzou
Fugacité CCCXXXIX
Photo Julie

permettez que je
m’écarte
que je fuie le café bavard et vos bouches volubiles gagnées par le temps
à vivre trop près des vivants débarqués perpétuels qui lavent le sel de leurs vieilles blessures on se bâtit des terriers
pour aimer le monde un peu
permettez
Barbara Auzou
Je n’ai à t’offrir que cette beauté-là

je n’ai à t’offrir que cette beauté-là
primitive
sur laquelle se retournent les voyous
et les petites-filles
parce qu’elle est faite pour eux
d’aventures et de fuites
de vérités aussi
je n’ai pas le goût des archives
je ne prends pas de notes
jamais
rien n’est fixé que ce chemin
son secret illimité
mais je vais avec mes mains avec mes yeux
vers ce livre d’heures sans fin
te cueillir un bouquet transi
d’odeurs et de temps retrouvés
et si je plante des épingles dans ma ronde nature
c’est seulement pour en éprouver l’unité sincère
j’aimerais avec toi comme on apprend un corps
recoudre doucement les tissus de cette mappemonde
singulière
si oublieuse de l’instant
jusqu’à lui faire une cuirasse bien articulée
sous une constellation de marguerites
Barbara Auzou
L’Orangerie / Yves Bonnefoy

Ainsi marcherons-nous sur les ruines d’un ciel
immense,
Le site au loin s’accomplira
Comme un destin dans la vive lumière.
Le pays le plus beau longtemps cherché
S’étendra devant nous terre des salamandres.
Regarde, diras-tu, cette pierre :
Elle porte la présence de la mort.
Lampe secrète c’est elle qui brûle sous nos gestes,
Ainsi marchons-nous éclairés.
Le temps de vivre / Georges Moustaki
Haïku CCCXXXIX
«Rosée solidifiée», 1950, de Simon Hantaï.

cet amour qui passe
est un espace qui dure
dans l’ère du vif
Barbara Auzou
Fugacité CCCXXXVIII
Photo Julie

chaque chose mûrit dans son infinitude
au soleil poussent d’autres mains plus rudes encore aux travaux du jour
l’amour nu soudain sur la dragée des dents durcit l’amande et éloigne les lassitudes
il y a un ciel rose à sillonner de bout en bout dont il fait bon s’éprendre
avec les oiseaux des libertés les plus pures
tu sais- celles qui nous tirent la langue
Barbara Auzou
D’un réel à l’autre

comme on revient d’une cavité profonde
pour regarder le jour en face
sur notre route sans hasard
il faudra bien que la mer fragile et forte
rassasiée et puis dansante
nous arrive comme le bonheur
et on pourra laisser nos passeports de sable
au ras de l’herbe lente belle comme un lacis de songe
épouser ces silhouettes de grès sur le vert du vallon
il y aura des oiseaux de présages
dans les soleils de notre histoire
je te cueillerai le dernier nuage
pour tirer à nous une très haute idée des lendemains
je poserai dans tes mains ce trésor morcelé
sur lequel je veille
et que je ne cesse de rassembler dans ton visage
-tu es là d’un réel à l’autre
Barbara Auzou
Cantate enracinée / Une aquarelle de Francine Hamelin accompagnée de mon poème
Cantate enracinée / Une aquarelle de Francine Hamelin
Et Francine Hamelin c’est ici

ils l’ont dit pour la fleur effrontée
morte dans un soupir
ils l’ont dit pour l’étoile lointaine
accrochée à son dernier empire
pour nos rêves trop grands flanqués
d’illusoires jardins
et pour l’eau de nos fontaines
ils ont dit tarie
usés nos sillons sur une moitié de chanson
sur les cotons de trop de peines
éteints les parfums répétés de nos présences
sourde à toute musique la partition de nos mains
et puis brisés le pont de nos peaux et
la lumière de nos intentions
ils l’ont dit
et nous voici
dressées entre deux soleils
dans un temps qui est le nôtre
dans un âge qui est le nôtre
et nous voici
debout dans le midi de notre étonnement
avec les baisers de l’oiseau philharmonique
pour tout printemps
et le piano bleu de tous nos voyages
ils l’on dit car ils n’ont pas vu dans nos yeux
courir les réseaux de l’arbre parent
pareil le poème vigilant dont les racines
plongent si loin dans le coeur
qu’elles vous font le chemin
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