Les Prolégomènes

Pour Matthieu.

Prolégomènes : nom masculin pluriel ; du grec pro, devant, avant et de legein, dire. Il s’agit d’une longue introduction placée en tête d’un ouvrage ou bien de l’ensemble des notions préliminaires à une science. Il s’utilise toujours au pluriel.

Prolégoménes I

Mon enfant entre les lignes il te faudra lire

Que le chant de l’oiseau précède de l’oiseau-même l’image

Et c’est parce qu’on ne pouvait pas s’entendre dans le vacarme des élans refrénés par une morale d’emprunt

Qu’on musela un matin les lèvres idéales pour le vin âpre d’un poète si sage

Qu’il couvait sous son chapeau le soleil assumé avec tous ses rayons et une idée du beau qui faisait tressaillir

Tant elle restait à prendre par le corps et par l’âme

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Tu ne feras pas l’économie du souffrir mon enfant

L’horaire du désir est fort instable et les fenêtres les plus claires sont celles qui débordent de larmes

Le coq chante dans le sang à s’ étourdir pour empêcher la nuit de s’avancer à pas de loup rejouer le drame

Du tout circulaire Il faut dire dire que les femmes sont affolantes avec leurs hanches leur ventre leurs seins faits exprès pour nous ramener à l’origine première

Et des mots descendent de nos jambes entre le rose et le rien sans qu’on sache parfois qu’en faire

Sinon un surcroît d’espoir vivant dans l’azur qui se consume

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Au limon que je creuse obstinément tu trouveras à demi-voilée

La vérité que les herbes folles ont questionnée sans relâche

Mais il faudra que tu arraches aux poèmes brûlants leurs origines

Avec leurs draps et puis le sable des années accumulé dedans

Toi l’enfant qui toque aux portes de l’hiver sans aucune devise

Arroge le droit à ton âme de se lever sur les grandes orgues des forêts

Chacun des arbres innocente tes mains muettes et précises

 

Barbara Auzou.

 

Prolégoménes I

Si tu crois qu’aux enfants seuls siéent les songes je te dirai ce retour d’images brèves qui font d’une vie une éternelle saison qui nous frôle et n’en finit pas d’interroger les forêts

On lâche seulement sur le tard des mots neufs enfermés comme des copeaux légers dans des larmes avides d’épaules

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Tendre animal mon très simple

Qui se fraie un chemin jusqu’à l’encolure d’un soleil que les yeux discernent au manteau d’un matin interlope

Que te surprenne le lent le lourd le grand oeuvre artisanal semeur de merveilles au fond des jardins au fond des cours

La varlope quotidienne qui court de tes paupières à la ligne de tes lèvres te fera un visage idéal

-Le tien

 

Barbara Auzou.

 

Prolégoménes I

Invente ce que tu vois avant que les nuits crispées de sanglots ne soient trop longues et un ruisseau pour les traverser à pied

Les ombres ont une odeur d’eau croupie que l’on tait

Destitue toute idée de vie idéale aux blancs galops serrés autour d’un miracle

Ce n’est que du temps qui sèche dans un herbier

Mais griffe l’oracle

Cultive la soie et sa fleur qui n’ont que leur souffle à te donner et un langage approximatif où des ailes se déploient

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Ecoute d’une oreille distraite les grands courants qui s’organisent puis se divisent

Leurs bras manigancent des éclipses

Les plus humbles ont gagné du terrain sur le rosier qui leur retrousse volontiers son âme tant leur regard le bouleverse

Doucement

Doucement

Le corps vient

Avec le grand soleil et son cri qui insiste

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Reste loin de tout ce qui se trame au-dessus des terrasses

Je te donne ton passeport de sable la voile initiale la proue claire de ce qu’on aima pour la première fois

Et tu allongeras ton corps de juin dans l’herbe grasse comme on se glisse dans un peu d’évidence

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Je te poserai irréfutable

Contre une échelle le soleil qui attend comme un cheval sauvage la joie d’une autre route et sa réponse la plus droite vers le ciel

Et tu seras tout ensemble son locataire légitimé

Le départ et l’arrivée Le tourbillon inversé de tous les êtres dont les traces s’effacèrent sur le sable

 

Barbara Auzou.

Prolégoménes I

Dans un chevron de brume te voir encore tenir conseil cime contre cime avec les arbres

Et de me dire que tout est à sa place  Transparence et idée du temps

Le chien au seuil de la maison guettant le tournant brusque du vent avec un sérieux très respectable

 

Barbara Auzou.