Fugacité CCCXLI

Photo Julie

à ta suite et dans l’heure que je sois faite vague montante et orpailleur

renifleuse de la chose tendue

intuition violente sur des abîmes renversés

retirées du monde rongeons la langue de la bête qui vocifère ses sentences fatales

de nos mains nues grattons la terre amoncelée derrière les yeux par les trop pâles outils mentaux

construisons des cabanes aux oiseaux

jusqu’à l’irruption du centre sensible sur la sphère totale

 

Barbara Auzou

Notre place et puis l’étreinte

dans ces ailleurs où s’inventent la vie

et nos visages de sable si sensibles

à la dictée idéale des doigts

tu vois il y a toujours une mer

une mer définitive où se retrousse l’âme

et se marient les oiseaux sur l’onde récidiviste

il y a toujours une fenêtre

elle est d’un bleu vigoureux toujours

qui rompt ses écumes avec ostentation

contre la lampe-tempête de nos corps

vois la lumière tourner encore chaque chose

à son avantage

jusqu’à faire du temps obscur un temps clair

de nos mots des silences

épris de l’inaliénable liberté du vivant

je veux avec toi partager la place et l’étreinte

la beauté gratuite de chaque instant

au commerce si simple qu’on l’ignore la vie durant

 

Barbara Auzou

La liberté / René Char

Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout
aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du
crépuscule.
Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes
éventrées.
Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la
sainteté du mensonge, l’alcool du bourreau.
Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile
où s’inscrivit mon souffle.
D’un pas à ne se mal guider que derrière l’absence,
elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne
blanche.

Tendresse dépossédée

vieillir est-ce faire provision d’existence

en déplaçant seulement la nuit un peu plus loin

est-ce se glisser entre les deux ailes de l’horizon

le sourire en coin de celui qui sait ne savoir rien

et s’en réjouit tandis que dansent les planètes douces

dans l herbe assoupie

est-ce s abandonner à la tendresse dépossédée

toujours au-dessus d’elle-même

et replacer les tremblants tréteaux sur le ventre

vergeturé de la terre

berceau de ton épaule verte tutelle où je m’endors

en inventoriant tes hauts silences

et tes sourires mystérieux

j’habite comme une chance ouverte

le poumon sans âge d’une région sentimentale

la tiédeur d’un rêve où les étoiles sont des soeurs

et l’amour dans le poème le plus grand combat

 

Barbara Auzou