Extrait de « Eloge pour une Cuisine de province » de Guy Goffette.

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(extrait)

La mer quand elle a fait son lit sous la lune et les étoiles et qu’elle veut sombrer tout à fait dans le sommeil ou dans l’extase

la mer quand les poissons ont trouvé une autre route pour tirer la soie du cocon et gagner leur temps de paresse

la mer quand plus rien ne la retient d’en faire à sa

tête le contrat des
Compagnies maritimes ni le traité des

Eaux territoriales ni le cours du baril ni celui du dollar la mer enfin quand elle peut se ranger pour de bon et

voyager incognito ne descend pas à l’hôtel comme on pourrait s’attendre de la part d’une personne de son importance, non car elle n’a rien à voir avec les chambres de hasard et
peu lui importe que des princes y soient descendus la mer comme tout ce qui cherche mesure à sa soif ne

descend pas, elle monte elle monte dans les trains à petite vitesse les derniers

survivants de l’ère vagabonde à pratiquer le précepte bouddhique du voyage et qui vont de gare en gare abandonnées dans la

bruyère pour le plaisir de quelques vaches elle monte dans les collines pour voir les toits d’ardoise

et les tuiles et la lumière sur eux qui pêche à la ligne et le mouvement de la terre alertée elle monte aussi dans les chambres pour saluer les

femmes qui savent aimer et dont le corps garde longtemps la

chaleur des étreintes et là, s’arrête enfin et ses vagues l’une après l’autre se

couchent dans leurs yeux alors les femmes se lèvent car il est l’heure du café dans

la cuisine l’heure à nouveau d’affronter la houle des enfants et

ces pensées en grand tumulte qui vont viennent se brisent en éclats de verre et toujours ressuscitent comme cet oiseau inlassable au fond du noyer qui

répète

la même question — deux ou trois mots seulement — et le cœur est au large…


Mère, que disais-tu déjà ? (J’ai vu bouger tes lèvres) et ces yeux, qui te les a changés ?

 

Guy Goffette.

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