Une vie sables mouvants/ Barbara

J’suis plus d’ton âge,
Mais t’as le goût, a m’regarder,
Premier voyage.
Je plie le cou, sous tes baisers.
T’as poussé doucement ma porte
Refermée
Et tu m’as dit, en quelque sorte:
« Je voudrais t’aimer. »
Et, dans le vide où je m’avance,
Un peu cassée,
Sans plus rien voir,
Plus rien savoir, rien écouter,
T’as dit « je veux »
Avec ferveur.
Tu t’es couché
Aux sables mouvants
Des amours condamnées.
Nos saisons ne sont plus les mêmes.
Tu es printemps
Je suis hiver
Et la saison de nos je t’aime
Pourrait nous mener en Enfer.
J’suis plus d’ton âge
Mais j’ai bonheur a t’regarder.
On fait voyage
Dans une vie
Recommencée.
Tu pousses doucement ma porte
Entrebâillée
Et j’ai tout le ciel en escorte
Pour voyager
Et c’est cadeau
De t’attendre, de te rêver,
Et c’est cadeau
Pour offrande,
Tous tes étés,
Et c’est cadeau.
Le jour se lève
Pour se poser
Sur les matins
D’un nouveau monde
Réinventé.
Notre saison est la même,
Toi le printemps
De mes hivers
Et la saison de nos je t’aime,
C’est la saison des Enfers.
Un jour, demain, je partirai
Sans rien te dire, sans m’expliquer,
Demain, demain,
Mais avant, que plus loin
Notre vie, à la dérive
Soit emportée,
Avant, oublions, tout
Et partageons l’instant
De cet instant,
Ta vie, ma vie
Avant l’orage
Où tout s’éclate
Foudroyé.
Que l’on se fonde, se confonde
A nous aimer,
Fermons doucement notre porte
Et, cachés,
On aura le ciel, en escorte
Pour rêver
Et sans mémoire, plus rien savoir
Mais vivre
Juste l’instant, de ce présent,
Le vivre,
Aux sables mouvants
De nos amours condamnées
Les saisons,
Qu’est-ce que ça peut faire?
On va s’aimer.
J’suis plus d’ton âge
Mais c’est bonheur de t’regarder.
On fait voyage
Dans une vie
Recommencée…

11 réflexions sur “Une vie sables mouvants/ Barbara

  1. Page jaunie d’un coin bouquiniste
    près de notre dame
    j’écluse
    en matière sur la table
    la chandelle grelotte
    tu t’approches
    le feu de ton âge
    allumé
    au bout des yeux
    la bouche en vie d’aimer
    la porte s’ouvre la nuit se tire
    cabaret où je revis
    le silence chanter…
    N-L

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    • Qui chante là quand toute voix se tait?
      Qui chante avec cette voix sourde et pure un si beau chant?
      Serait-ce hors de la ville, à
      Robinson, dans un jardin couvert de neige?
      Ou est-ce là tout près, quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât?
      Ne soyons pas impatients de le savoir puisque le jour n’est pas autrement précédé par l’invisible oiseau.
      Mais faisons seulement silence.
      Une voix monte, et comme un vent de mars aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
      Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte?
      Nul ne le sait.
      Mais seul peut entendre le cœur qui ne cherche la possession ni la victoire.

      La Voix/ Philippe Jaccottet

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